Golfe du Morbihan 2nde partie
- Nom : Golfe du Morbihan – Mor Bihan en breton, signifiant « Petite Mer »
- Communes : 18
- Longueur : 20 km Est-Ouest
- Largeur : 15 km Nord-Sud
- Environnement : Mer intérieure parsemée d’îles et îlots
- Particularité(s) : Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan
Nous poursuivons notre visite virtuelle du littoral morbihannais. La semaine dernière, nous avons visité une première partie du Golfe du Morbihan en abordant notamment Er Lannic et l’Île d’Arz. Aujourd’hui nous vous présenterons la partie Est du Golfe au travers de deux îles : Boëde et Bailleron.
Nous quittons donc l’Île d’Arz à bord d’un guépard, embarcation traditionnelle du Golfe, nous contournons la pointe de Bililhervé puis mettons cap au Nord-Est vers l’Île de Boëde.
- Nom : Île de Boëde
- Commune : Séné
- Longueur : 1,6 km
- Largueur : 250 m
- Superficie : Environ 45 ha
- Particularité : Espace Naturel Sensible
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Située dans la partie Nord-Est du Golfe du Morbihan, l’Île de Boëde, qui peut également s’orthographier Île de Boëd dans sa version bretonne, appartient à la commune de Séné, limitrophe avec Vannes. La superficie de l’île est d’environ 45 hectares, soit 450 000 m² ou encore 0,45 km². Elle est longue de 1,6 km pour une moyenne de 250 m de largeur. L’accès à l’île se fait par bateau ou à pieds à marée basse en empruntant un chemin empierré qui la relie au lieu-dit Cadouarn sur la presqu’île de Langle. Il vous faudra vous munir de vos bottes et si possible de bottes hautes pour rejoindre Boëde. En effet, il ne faudra pas avoir peur de s’enfoncer jusqu’aux genoux dans la vase par endroits.
L’île est principalement gérée par le Conseil Départemental du Morbihan (CD56) car elle fait partie de l’Espace Naturel Sensible (ENS) de l’Anse de la Villeneuve. De plus, la partie sud de Boëde abrite un herbier de zostère. Il s’agit d’un type de plante marine qui se raréfie dans le Golfe du Morbihan. Elle est aujourd’hui sujette à protection, notamment face au dragage, à l’ostréiculture ainsi qu’aux mouillages à l’ancre des bateaux de plaisance, qui sont des facteurs aggravants de sa disparition.
Intéressons-nous un peu plus en détail sur ce que sont les herbiers et leur rôle. Les herbiers sont des écosystèmes marins structurés par des plantes terrestres « retournées » à la mer. Il en existe plusieurs types que l’on retrouve dans différents endroits du globe. Parmi les plus connus, on trouve les herbiers structurés par les Posidonies (Posidonia oceanica) en Méditerranée et ceux structurés par les herbes à lamentins (Syringodium filiforme) ou à tortues (Thalassia testudinum) sous les tropiques. Tout le long du littoral Atlantique, donc dans le Golfe du Morbihan mais aussi en Ria d’Etel, les herbiers sont structurés par les zostères (Zostera noltii et Zostera marina).
Les herbiers ont un grand rôle à jouer dans la transparence des eaux : en effet, l’hydrodynamisme lié à la houle est amorti par frottement de l’eau sur les feuilles. De ce fait, les particules en suspension dans l’eau sédimentent au pied des plantes. Grace à leurs racines et leurs rhizomes, les zostères limitent l’érosion, en particulier lorsque la marée remonte avec la petite houle. Par conséquent, l’eau est moins turbide. De plus, de nombreux animaux filtreurs, comme les éponges, s’y établissent et clarifient l’eau. Les algues et les herbiers ne se font pas concurrence car les herbiers préfèrent les sédiments meubles, comme le sable fin ou la vase, tandis que les algues préfèrent les substrats rocheux.
Les herbiers oxygènent l’eau et les sédiments grâce à leur activité photosynthétique. Ils favorisent également l’oxydation de la matière organique qui leur sert ensuite d’engrais. Cela favorise l’implantation d’une endofaune associée, c’est-à-dire une faune qui évolue enfouie sous la couche superficielle de sédiments. On recense, dans un herbier breton plus de 500 espèces animales dont 150 appartenant à la macrofaune invertébrée et certaines endémiques. Les herbiers fournissent un grand nombre de caches pour les jeunes poissons, qui s’y abritent et y trouvent leur nourriture. Les adultes viennent y pondre et chasser.
L’Île de Boëde est depuis janvier 2018 un site qui fait l’objet de relevés réguliers des bénévoles de l’OCLM. C’est donc le troisième site suivi par l’OCLM que nous vous présentons après les plages de Baluden et de Kervillen. Nous vous conseillons de consulter ces articles si vous souhaitez en savoir plus sur le fonctionnement de l’OCLM.
Un suivi régulier mis en place grâce à un protocole simple mais pas simpliste, est effectué toutes les deux semaines par des bénévoles de l’association RIEM. Ils rassemblent mesures de l’érosion horizontale des micro-falaises et falaises ainsi que des photographies standardisées.
A la mi-janvier 2020, l'Observatoire Citoyen du Littoral Morbihannais a inauguré une nouvelle mission qui prend place dans le cadre du protocole de suivi de l'Île de Boëde. Cette nouvelle mission substitue une ancienne qui n'est plus à faire car elle est désormais trop dangereuse en raison d'un risque d'éboulement. Sa remplaçante consiste comme la première à suivre le recul d'une falaise exposée Sud-Ouest, dans une zone où la falaise est moins haute. Ce changement garanti la continuité du suivi et ne met pas en danger les bénévoles.
L’île abrite des vestiges mégalithiques ainsi que cinq habitations, dont certaines encore habitées, qui ne sont reliées ni à l’électricité ni à l’eau courante. Ces bâtisses sont les anciennes maisons des paysans de Boëde qui était jusqu’à la moitié du XXème siècle essentiellement couverte de terres agricoles. Enfin, la Tour carrée ou Tour de Ténéro, édifiée dans sa forme actuelle en 1899 sur un bloc rocheux au Sud-Est de l’île, servait originellement à abriter les gardiens des parcs à huitres. Vous pouvez en apprendre plus sur l’histoire complexe de ce bâtiment emblématique de l’Île de Boëde ici.
En plus de l’Île de Boëde, Séné compte près de 47 km de côte très découpés qui ont vu l’implantation de ports et de cales. Parmi eux, on trouve Port Anna et la cale de la Garenne où le Laboratoire Géosciences Océan (LGO) de l’Université Bretagne Sud effectue chaque mois des prélèvements d’eau et de plancton et pollen avec des filets prévus à cet usage. Ces échantillons servent à étudier les dynamiques des communautés phytoplanctoniques au cours de l’année. Ces prélèvements ayant débuté récemment le jeu de données est encore insuffisant pour tirer des conclusions.
Ces prélèvements sont couplés avec des analyses de paramètres physico-chimiques de l’eau, tels que la température, la salinité, la turbidité, le pH et l’oxygène dissous, ainsi que de la mesure des quantités de nutriments, comme les nitrates et les phosphates. La très prochaine installation d’une sonde multiparamètres prévue dans le secteur de Port Anna permettra d’obtenir quotidiennement chacune de ces données. Les chercheurs du LGO souhaiteraient voir l’implantation d’autres bouées dans le secteur pour créer une banque de données sur l’évolution de la qualité de l’eau dans le Golfe. La mesure des quantités de nutriments sera quant à elle gérée par le Laboratoire Départemental d’Analyse du Morbihan (LDA56). L’ensemble de ces paramètres servira à établir des relations liant quantité de genres ou d’espèces de plancton au cours de l’année avec les paramètres physico-chimiques. A termes, les données recueillies seront utiles pour comprendre un certain nombre de phénomènes, notamment les pollutions d’origine anthropiques telles que les problématiques d'eutrophisation liées aux rejets agricoles par exemple.
Les prélèvements au filet à plancton permettent également de récolter des grains de pollen transportés depuis les rivières. En comparant les flux de pollen provenant de la végétation du bassin versant, cette étude a pour but d'établir des relations entre le couvert végétal actuel et la part de grains de pollen arrivant dans l'estuaire. Cela permet ensuite de mieux reconstituer les variations paysagères et climatiques passées à l'aide de grains de pollen fossilisés dans les sédiments marins. Cette étude s’inscrit dans le cadre de la paléoclimatologie qui peut se résumer pour les non-initiés à l’étude des climats passés (paléoclimats) et leurs variations. Elle tente de répondre à la problématique suivante : peut-on reconstituer la végétation actuelle à l'aide des grains de pollen qui arrivent dans les sédiments marins aujourd'hui ? Si c’est le cas, alors les grains de pollen fossilisés dans les sédiments anciens pourront nous permettre de bien reconstituer la végétation d'il y a plusieurs milliers d'années, et d’en déduire le climat de l’époque.
Nous poursuivons notre navigation en laissant derrière nous Port Anna et la cale de la Garenne et descendons au Sud en direction de Saint-Armel. Là, nous contournons la pointe de l’Île de Tascon et jetons l’ancre à Bailleron.
- Nom : Île Bailleron
- Commune : Saint-Armel
- Longueur : 300 m
- Largueur : 200 m
- Superficie : 6 ha
- Propriétaire : Université de Rennes 1
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L’Île de Bailleron appartient à la commune de Saint-Armel située à l’entrée de la Presqu’île de Rhuys. Cet îlot de 6 hectares appartient depuis 1959 à l’Université de Rennes 1. Grâce aux travaux de rénovation, l’eau courante et l’électricité ont pu y être installés et Bailleron est désormais une station biologique de terrain unique en son genre au sein du Golfe, qui accueille plusieurs fois par an des étudiants et des chercheurs.
L’Île possède des infrastructures permettant de faire des travaux de recherches ou d’enseignements. Pour cela, un bâtiment est doté de salles de cours, de travaux pratiques, de réunion qui fait également office de bibliothèque et d’élevage. Ces salles sont équipées du matériel nécessaire à leur fonctionnement.
Les équipes bénéficient d’un espace d’hébergement et de restauration réparti en deux habitations, permettant de loger et de nourrir jusqu’à 27 personnes.
Enfin, la station biologique de l’île possède deux bateaux prévus pour la recherche et l’apprentissage océanographique. Découvrez les descriptifs des embarcations sur le site de l’Université de Rennes 1.
Chaque année, les étudiants de première année du Master IGREC-L de l’Université Bretagne Sud à Vannes, sont amenés à passer une semaine à Bailleron au sein de la station. Ils y découvrent les environnements littoraux du Golfe du Morbihan, s'exercent sur les différents instruments de mesure, apprennent à traiter les données obtenues et à les restituer.
Durant cette semaine chargée, ils apprennent notamment des bases de topographie en utilisant DGPS et tachéomètre, et de granulométrie en échantillonnant et tamisant des sédiments. Ils prélèvent des échantillons d’eau pour étudier la turbidité, du plancton et phytoplancton avec des filets prévus à cet effet, et du biofilm (mince couche de micro-algues présente sur la vase) à différents endroits de la vasière. Ils apprennent également à traiter les données de topographies avec des logiciels de cartographie et de topographie.
Les membres du LGO qui encadrent les étudiants leur présentent des relevés de drones au moyen de démonstrations, et leur apprennent la programmation nécessaire à l’utilisation des courantomètres et des houlographes.
Enfin, ils réalisent des prélèvements et manipulations sur les bateaux de la station pour apprendre les techniques d’océanographie côtière : ils étudient la courantologie pour obtenir la direction et la vitesse du courant dans toute la colonne d’eau, prélèvent des sédiments marins (sable, vase, coquilles) à l’aide de bennes pour connaitre la granulométrie et la sédimentologie du Golfe, et réalisent des opérations de draguage pour prélever faune et flore locale.
Les différents aspects de ces travaux sont ensuite mis en relation pour comprendre le fonctionnement global de la « petite mer ». Des associations entre courants et sédimentologie peuvent par exemple expliquer la présence de sable ou de vase dans les différentes régions du Golfe du Morbihan. A l’issue de cette semaine très riche, les étudiants du master ont un aperçu global des fonctionnement physiques des littoraux mais également développé une capacité à travailler en groupe comme en témoigne cette vidéo réalisée en 2017.
C’est ainsi que s’achève notre visite du Golfe du Morbihan. Cette liste est bien entendu non exhaustive et il existe infiniment plus d’endroit que ce que nous vous avons décrit mais nous vous laissons le plaisir de les découvrir par vous-même à la fin du confinement. Nous espérons sincèrement que ce format différent vous a convaincu ! Si cet article vous a plu, embarquez avec nous et tentez l’expérience ! Nous poursuivons notre navigation cap au sud du Golfe vers une destination future. N’hésitez pas à réagir, à partager vos expériences dans les lieux que nous décrivons ou à nous poser des questions. Nous sommes pour cela joignables sur les réseaux sociaux et via notre site internet.
A très vite et n’oubliez pas, Restez chez vous !
L’équipe de l’OCLM
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